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Rockfanch

[INTERVIEW] DELGRES

Publié le 8 Août 2019 par rockfanch

Crédit photo : Mélanie Elbaz

Crédit photo : Mélanie Elbaz

Le nom de votre groupe, Delgrès, vient d'un militaire (Louis Delgrès) qui s'est insoumis face à la volonté de Napoléon de rétablir l'esclavage dans les Antilles. Vous vous sentez insoumis vous aussi ?
* Pascal Danaë (chant, guitare) : On sent insoumis, ou en tout cas plutôt rebelles face à une certaine forme de conneries (rires). Je dirai à vrai dire toutes les formes de conneries ! Aujourd'hui, il y a encore des choses pour lesquelles il faut ouvrir sa bouche et parler. C'est une forme d'intolérance qui va dans tous les sens. Ce n'est pas qu'une intolérance face à un pouvoir en place. Il y a aussi une forme d'intégrisme de la part de gens qui pensent être dans le vrai parce qu'ils sont dans le combat social et ils jettent tout avec l'eau du bain. Nous dans Delgrès, on est plutôt dans un combat pour respecter l'humain. Ca c'est une cause pour laquelle on est prêt à se battre et on la défend sur scène.

C'est un combat que vous exprimez dans vos chansons ?
* Pascal Danaë : Bien sûr, il y a ça dans nos chansons. Une chanson comme Mo Jodi, parle du moment où Louis Delgrès a dit non aux Français et il a préféré mourir plutôt que de laisser l'esclavage être rétabli à la Guadeloupe. Mais il y a aussi d'autres combats que l'on exprime à travers nos chansons, comme tendre la main, à un moment donné à ses proches. Pour les aider et les soutenir. Ce sont aussi des choses fortes.
Ça débute comme cela. Ce n'est pas la peine de faire la Révolution au bout du monde, si on est pas capable de prendre soin des siens. 

Pourquoi avoir choisi le créole antillais pour les textes de Delgrès ? 
* Pascal Danaë : Je suis d'origine guadeloupéenne, né près de Paris et j'ai grandi près de cette ville. Mais j'ai toujours entendu mes parents parler créole. Cette dernière est la langue française la plus proche du blues puisque l'on a vécu l'esclavage. On est aussi en Amérique, comme la Louisiane. C'est très proche d'ailleurs. Il y a des gens qui ont fuit les Antilles, suite au rétablissement de l'esclavage, pour s'installer en Louisiane. Là-bas ils parlent aussi créole. Si on ne parlait pas le français tous les jours, on serait américain ! Pour exprimer les raccourcis qu'expriment les bluesmen, les quelques phrases qui sont comme des punchlines, le créole est très adapté.

Ça vous paraissait logique de faire du blues en créole...
* Pascal Danaë : Plus que d'être logique, c'était un besoin viscéral ! Au moment où je voulais le faire, je ne pouvais pas le faire autrement qu'en créole. Je puisais dans des choses très profondes, il n'y avait aucun filtre. A ce moment-là, c'était ça ou rien.

Comment se déroule la composition au sein de Delgrès ? D'abord la musique, d'abord le texte ?
* Baptiste Brondy (batterie) : A chaque fois, c'est différent. Pour le début du projet, Pascal est arrivé avec son créole et ses esquisses musicales. Il y avait Mo Jodi notamment et d'autres qui ne sont pas sur l'album. On s'est rassemblé dans le studio de répétition avec cette matière qui existait déjà et on a travaillé tout ça. Maintenant, c'est différent. Tout à l'heure, on a par exemple, commencé une chanson dans le bus. Pascal a sorti sa guitare et on a fait une jam autour de ça. Tous les trois, on est un groupe qui aime se retrouver autour du live et de l'instant présent. Mr Président est arrivé lors d'une balance, j'ai commencé à jouer ce rythme de batterie. Pascal à la guitare s'est rajouté avant l'arrivée d'une partie de basse de Rafgee au sousaphone. 


Comment est arrivée le sousaphone dans Delgrès ? C'était une envie ou une opportunité de l'intégrer au sein du groupe ?
* Pascal Danaë : C'était une envie forte. Les toutes premières chansons ont été faites sur une guitare dobro, qui est la guitare emblématique du blues. Ces guitares ont un son très cuivré, très connoté blues du fait d'un cercle en métal présent sur chacun de ces instruments. Au moment où la question de la basse s'est posée, je voulais un son en continuité avec ce côté cuivré. Comme j'ai toujours adoré la Nouvelle Orléans et les fanfares, j'aime ce côté fort, puissant et primaire, dans le bon sens du terme... Alors pourquoi ne pas essayer avec un sousaphone. Quand on voit des funérailles à la Nouvelle-Orléans, on a ce grand instrument qui met le feu. C'est emblématique.
Ça existe aussi dans les fanfares Caraïbes. On essaie et avec Rafgee, ça a immédiatement collé.

Ça permet aussi peut-être d'accrocher le public avec cet instrument qu'on a peut l'habitude voir ?
* Pascal Danaë : La question n'était pas là. Avec Delgrès, on est dans un truc de survie. Quand ça a commencé, on s'en foutait de savoir si ça allait devenir un disque. Moi j'avais besoin de ça pour continuer à mettre un pied devant l'autre, c'était viscéral. J'ai appelé Baptiste pour rejoindre le groupe, puisqu'il y avait déjà une connexion forte entre nous dans le groupe Rivière Noire. Je voulais juste prendre du plaisir avec ce projet. Avec Rafgee aussi on a pris du plaisir, on ne s'est pas posé de questions. On a foncé. Après ce sont les gens qui nous ont dit "Wahou vous avez un instrument de ouf, c'est étonnant." Ce qui était important pour nous, c'est qu'il donne ce son là et à chaque fois qu'on le voit, ça nous rappelle la Nouvelle-Orléans. 

C'est un son puissant que l'on a pas l'habitude d'entendre pour un cuivre...
* Pascal Danaë : C'est que culturellement, il est un peu décalé par rapport à nous, pourtant il est là. Dans les bandas du Sud de la France ou dans les groupes de  vieux jazz, le New Orleans, par exemple. Le sousaphone, c'est le premier instrument qui a fait la basse avant l'arrivée de la basse électrique ou de la contrebasse dans le jazz. C'est un peu décalé de ce point de vue là, mais pour nous, c'est juste une basse.

Mo Jodi est sorti en 2018, vous pensez déjà à un second album ou pas du tout ?
* Baptiste Brondy : On y pense en ce moment. Entre les concerts, on se concerte tous les trois. Il y a déjà des chansons que l'on a pas pu mettre sur Mo Jodi qui sont plus ou moins prêtes. C'est un tableau que l'on fini de peindre tranquillement mais sûrement. L'album arrivera sans doute courant 2020.

Il y aura une évolution musicale par rapport au premier album ?
* Baptiste Brondy : L'âme de Delgrès sera toujours autour de nous puisque c'est elle qui nous anime et que ça nous va très bien. Il y aura des choses un peu différentes parce qu'on a pu se nourrir de rencontres ou de sentiments différents. Mais les gens s'y retrouveront, on est sûrs de ça. 

Est-ce qu'il y a un groupe que vous souhaiteriez faire découvrir ?
* Baptiste Brondy :
Moi je suis assez fan, mais c'est un pote à moi, d'un gars qui s'appelle Manu de Nars. C'est un gars de la Vendée et il est fantastique. Ça fait dix ans que je le connais et j'adore la manière dont il exprime ce qu'il est. Il joue dans un groupe baptisé The Ones et il est vraiment extraordinaire. 
* Pascal Danaë : Mon choix c'est Louis-Jean Cormier. Les gens connaissent mais il est pas non plus hyper connu. Il y a aussi deux filles supers talentueuses, Pur Sang. Elles ont fait notre première partie à la Cigale. C'est une folk acoustique trempée dans le blues. Pas loin du Bayou. C'est génial.

Dernière question, est ce que vous avez un scoop pour moi ?

* Pascal Danaë : Je me teins la barbe !
* Baptiste Brondy : Là elle est noire, mais elle peut être rouge, jaune ou verte fluo.
* Pascal Danaë : Si on fait un truc LGBT, je mets toutes les couleurs de l'arc en ciel !

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