Interview avec My Own Private Alaska fusion entre piano classique, batterie massive et chant métal... Rencontre avec Tristan (Piano)
Pourquoi ce nom de "My Own Private Alaska" ?
Pour 3 raisons majeures :
* En fait,alors qu'on est un groupe de musique et par définition tournée vers l'extérieur il subsiste dans MOPA quelque chose de très personnel. Voir égoïste comme l'indique la redondance des triples terme d'appropriation (my, own, private). Il exprime ce qu'il y a de plus intérieur en chacun de nous trois en montrant en volonté de se situer ailleurs, tant au niveau géographiques que des horribles valeurs musicales telles que la mise en avant du style vestimentaire ou de l'attitude véhiculée par certains groupes.
* Après, c'est également une vocation du film Insomnia de Christopher Nolan, avec un Pacino qui enchaine les nuits sans sommeil et dans lequel résonne cette phrase "En Alaska tu trouveras deux types de personnes, ceux qui y sont nés et ceux qui sont venus là parce qu'ils ont voulu fuir un ailleurs". L'Alaska représente pour nous une sorte d'eldorado glacial des valeurs et des modes de vie. Un endroit pur, vierge peut être même hostile face à la civilisation, au monde moderne et à certaines de ses pires valeurs.
* Enfin, c’est aussi un clin d’œil à MyOwnPrivate Idaho, un superbe film de Gus Van Sant qui nous a tous marqués.
Comment s’est form le groupe ?
Le line-up complet du groupe date du printemps 2007. Dans sa génèse le projet a été longuement pensé par Matthieu (chant) et Tristan (piano) durant cinq années. Le projet a été effectif avec l'arrivée de Yohan à la batterie. J'ai une vague analyse personnelle de notre musique : je ne pense pas avoir entendu, ni vu de précédent à notre musique. Au moins dans la forme du projet et je ne me rappelle effectivement pas avoir croisé de groupe croisant un piano classique, un chant hurlé et une batterie massive. L'originalité du projet réside dans son émotion, on met un point d'honneur à jouer avec beaucoup de sincérité et d'honnêteté. Nous formons ce projet avec les qualités et défauts que les humains que nous sommes comportent. On n'est pas là pour faire comme les autres ou caresser les gens dans le sens du poil, je pense d'ailleurs que ça se ressent à l'écoute. C’est transparent et du coup, il doit y avoir un effet d’identification pour l’auditeur qui doit se sentir concerné.
Quelles sont vos influences principales ?
J'aurai presque tendance à dire que nos influences viennent d'une philosophie de vie : on est influencé par l'art humain dans ce qu'il a de plus honnête et soudain : la sincérité, la non-retenue, le sans-artifice. En ce sens je ferais le lien avec les artistes envers qui on a un profond respect pour les humains qu'ils sont ou ont été pour leur musique. On s’accorde pour parler de Chopin, Erik Satie pour le piano, Envy, Will Haven pour le chant, et Helmet, Nirvana pour la batterie.
Il y a une sacre équipe avec vous sur cet album Ross Robinson (Klaxons, Cure,...) et Ryan Boesh. Comment s’est déroulé l’enregistrement de cet album ?
De la plus merveilleuse des manières ! Imagine : passer 2 mois dans la maison de Ross Robinson dans un loft Venice Beach à Los Angeles donnant sur l’océan Pacifique ! Ce bout de paradis situé à 15000 km de Toulouse nous a totalement dépaysé et a eu pour conséquence de nous permettre d’exprimer des choses brutes et sans gène en toute liberté. Dans un sens, l’image des USA où tout est possible et tout est permis du moment qu’on l’assume.
Les règles sont celles qu’on se fixe. Libre à nous de justement ne pas nous en fixer. On a vécu quand même la "méthode" Ross Robinson : on ne touche pas aux instruments tant qu'on a pas discuté, disséqué, débattu du thème du morceau et par extension, de nos vies, nos peurs, nos envies, nos philosophies, notre place sur Terre, etc... Ross nous a tellement repoussé dans nos retranchements psychologiques, qu’une heure avec lui vaut bien plus que 6 mois de psy et on se retrouvait souvent tous les trois face à l’Océan à débriefer sur ce qu’on vivait. Ensuite, une fois qu’on avait la tête bien décalque, qu’on était vraiment nu psychologiquement et fleur de peau, on avait l’obligation de "dbrancher le cerveau" et de laisser exprimer les morceaux à travers nous et c’est fou l’effet que a produit ! Sur le moment on ne s'en rend pas compte parce qu'on y pense pas. A la réécoute, il se trouve qu'on a pas du tout joué comme on jouait avant, on a changé les plans de batterie, les placements et surtout les intentions qui sont encore plus palpables, plus proches du "vrai". Tout a été enregistré en une ou deux prises maximum. Pas besoin de plus car ce serait trop éprouvant de toute façon.
Suite à ça, Ryan Boesh le technicien attitré de Ross Robinson, a mixé l'album avec lui selon nos volontés communes. Ca c'est passé dans un second temps en septembre / octobre une fois qu'on était rentré en Europe pour la tournée avec Will Haven. Ross a ensuite envoyé l'album au mastering côté Est chez Alan Douches qui est un maitre en la matière et qui a fait du très bon boulot respectant tout la dynamique du mix.
Pouvez-vous nous présenter cet album ?
Cet album est l’aboutissement d’une expérience d’enregistrement unique et extrème, psychologiquement vécue tous les niveaux de manière très intense. Cette heure de musique qu’on a couché sur bande a été enregistrée d’une manière si sincère et passionnée, qu’à mon sens, elle parle à l’auditeur et donne du sens à ce qu’il ressent. C’est comme si quelque chose allait puiser chez lui les sentiments humains les plus profonds et les plus universels, et qu’il en comprenait l’essence en les acceptant. Bien sûr tout cela est raconté de manière très subjective car vécu de l’intérieur, mais je respecte aussi l’auditeur qui n’entendrait qu’un mec s’égosille sur du piano et de la batterie.
Quoiqu'il en soit, voilà pourquoi notre album s'appelle Amen. Outre la portée religieuse du mot (portée que nous ne défendons pas particulièrement, n'étant pas spécialement religieux, Amen veut dire "Vérité". C'est ce qu'on a ressenti au moment d'enregistrer l'album, et ce qu'on a voulu transmettre à travers ce dernier : la sensation d'approcher une certaine vérité de ce qui fait de l'être humain un être sensible faisant parti d'un tout.
Comment on peut être rock ... sans guitares ?
Ca vient plus du fait de jouer tout à l'intention, "comme ça vient" et vu que ça vient de l'endroit le moins pensé et moins cadré possible, ça donne du rock ! Je fais une petite parenthèse mais à la base le rock, dans les années 50-60, c'est quand même faire le plus de bruit pour faire chier les parents et jouer une musique à l'opposé de ce que ces derniers écoutaient. Nous on veut foutre un peu la merde dans la musique rock-post-hardcore-bidule, à base de guitares saturées. Histoire de changer la donne en proposant du chant hurlé sur du piano. Lancer un pavé dans la mare en disant qu'il y a autre chose que les sempiternelles prises de gueules sur "tel album est meilleur que tel autre album parce qu’il y a untel à la guitare ", tout en ayant une volonté d'exploiter des territoires nouveaux. C'est la sensation qu'on a eu à la base en mettant en oeuvre ce projet, dans les premières répétitions. C'était à la fois quelque chose de nouveau, mais en même temps de certain. Tu exprimes ce que tu es, et ça a donné une musique à la fois sincère et novatrice. Mais bon, ce n'était pas gagné d'avance ce que l'on voulait faire ! Quelque chose de très lourd, frontal, direct et même temps à fleur de peau. C'est clair qu'on ne peut pas se cacher, il n'y a pas de murs de guitares pour englober le tout, ni de surproduction ou d'arrangements complexes.