Comment est né The Bruise Market ?
* Eve-Lise (batterie et chant) : Avec Tom, on s'est rencontrés à la soirée musicale de notre lycée. Rapidement, on a commencé à jouer ensemble avec un premier groupe baptisé The Fox’s Scream dans lequel on faisait surtout des reprises. Cependant, on y a fait nos premières compositions ensemble. À l'époque, j'étais au chant et à la guitare et Tom à la batterie. Ce sont nos "vraies" places de musiciens. On était bien dans ce groupe, mais on s'est lassés et on avait envie de montrer ce qu'on valait au niveau des compositions. On voulait développer un univers qui nous est propre. C'est comme ça qu'est né The Bruise Market. C'est né assez intuitivement, on avait déjà pas mal de compositions tous les deux. Il suffisait juste de voir comment inverser les rôles.
Réadapter les compositions en échangeant vos positions c'est ça ?
* Tom (chant et guitare) : Et même repartir de zéro, en recomposant tout.
* Eve-Lise : De base on avait parié sur le fait de reprendre les chansons telles qu'on a pu les composer mais l'un et l'autre on avait pas le même niveau que l'autre dans son instrument de base. C'était plus simple de repartir de zéro comme l'a dit Tom. Ensuite chacun a pu progresser sur l'instrument de l'autre et on a pu intégrer des éléments de nos anciennes compositions dans les nouveaux titres de The Bruise Market.
Et pourquoi ce nom de The Bruise Market, le marché des ecchymoses ?
* Tom : C'est une idée d'Eve-Lise. Nous sommes tous les deux issus du milieu médical…
* Eve-Lise : « Bruise » vient du vocabulaire médical anglais qui nous est familier, donc on est parti rapidement là dessus. On voulait écrire des titres intimes tant au niveau paroles qu'au niveau instrumental mais qui puisse aussi parler à pas mal de personnes durant les moments difficiles de leur vie.
* Tom : Les bleus on les voit comme une métaphore. Ce sont les coups durs qu’on peut vivre et qui nous laissent pour trace un mélange de colère et de nostalgie.
* Eve-Lise : The Bruise Market on le voit, depuis l'origine du groupe, comme un défouloir. Un moyen pour nous de nous libérer des choses qui nous font souffrir tu vois. Mais pas que ça, on exprime aussi des choses qui nous font du bien. On veut montrer qu'on a de l'énergie en nous, qu'elle soit positive ou négative. Cette énergie pour nous c'est comme un bleu et le Market c'est venu parce qu'on s'est dit qu'on allait distribuer tout ça car ça peut parler à tout le monde. Le second sens de The Bruise Market, c'est que notre musique est énergique. On veut que les gens se défoulent et sortent des concerts limite avec des bleus.
* Tom : On veut que ce soit une communion, que les gens soient en transe. Qu'on puisse partager cette énergie.
Vu que vous êtes dans le milieu médical, à vouloir que les gens aient des bleus... Vous vous donnez du travail pour l'après concert ?
* Eve-Lise : Exactement !
Cette envie d'extérioser les choses c'est pour montrer au public que vous avez les mêmes sentiments que lui et qu'il peut se libérer à votre concert ?
* Tom : C'est totalement ça. C'est le maître mot de notre projet musical mais aussi de notre vie. On veut être proches des gens que ce soit sur les réseaux ou en concert. On prend du temps avant et après le concert pour partager avec le public qui est venu nous voir. Même si les gens veulent juste boire un verre avec nous, on donne ce temps-là.
* Eve-Lise : L'objectif c'est de montrer qu'on est tous pareils. Peu importe le parcours de vie, même si nos chansons sont intimes, elles peuvent parler à tout le monde parce qu'on a tous des hauts et des bas dans nos vies. On veut que le public extériorise les énergies négatives en pogo, en faire quelque chose de positif.
Au niveau des textes, c'est ce qu'on peut vivre au quotidien que vous extériorisez ? L'amour, l'amitié, la mort ... ?
* Tom : C'est exactement ça. On parle de nous, de notre ressenti commun, on invente rien. Des ressentis qu'on peut porter aussi à des situations que l'un ou l'autre a pu vivre. On n’a pas forcément les mêmes sentiments sur des situations que l'on peut vivre ensemble mais on essaie de retransmettre un maximum nos émotions pour les mettre dans nos textes.
* Eve-Lise : On aborde beaucoup de sujets, mais ce qui déclenche l'envie de coucher ça sur un titre, c'est une situation qu'on a pu vivre, des sentiments. Comme tu dis, nos textes peuvent parler d'amour, de mort... De la vie en général. Mais t'as aussi des chansons qui peuvent parler de ce qu'on ressent quand on voit l'état du monde qui nous entoure. Avec les guerres par exemple.
* Tom : Ça ratisse large. On peut parler du décès d'un de nos proches comme de notre réaction à l'attentat du Bataclan. On parle de négatif comme de positif, on n’a pas de domaine de prédilection. Personnellement, il faut que j'ai l'émotion pour l'écrire. On écrit des textes plus intimes, plus nostalgiques qu'avant. Mais tu peux avoir les larmes aux yeux quand tu écris le texte. Il faut que j'ai envie de l'écrire, que le texte me plaise.
Pour l'écriture ça se passe comment ? L'un écrit le texte, l'autre la musique ? L'un des deux peut écrire texte et musique ?
* Eve-Lise : Il n'y a pas vraiment de règle. On se connaît depuis pas mal d'années maintenant, mais ça fait peu de temps qu'on est réellement ensemble pour composer. Du fait de nos études ou de nos boulots, c'est vrai qu'il y a des moments où on se voyait rarement. On avait pris l'habitude que Tom compose à la guitare et écrive les paroles.
* Tom : Je préparais une base pour le titre et ensuite les arrangements venait quand Eve-Lise arrivait. Maintenant c'est du 50/50, on arrive, on se rejoint et on écrit ensemble. On a plus l'occasion d'écrire tous les deux et nos titres sont plus puissants et nostalgiques désormais.
Votre premier album est sorti en novembre dernier, il est baptisé Evil Eyes. Pourquoi ce nom ?
* Tom : On a un titre qui s'appelle Sleep with the Devil. Dans les paroles, il y avait Evil Eyes et je trouvais ça intéressant parce qu'on était partis sur une idée de pochette où on ne verrait que les yeux ou ce serait modifié.
* Eve-Lise : On aime le côté mystique du diable, on avait commencé à travailler ce côté-là sur le premier EP avec un titre baptisé Little Devil.
* Tom : Sleep with the Devil est un peu dans la continuité de Little Devil d'ailleurs. Evil Eyes c'est venu parce qu'elle s'appelle Eve-Lise et que prononcé à l’anglaise ça fait Evil Eyes. Du coup c'était marrant.
* Eve-Lise : C'est un groupe nominal qu'on aimait bien, et on s'est dit qu'on pouvait faire une certaine continuité tant dans les paroles que les visuels. Faire un pont entre nos deux productions discographiques. Pour le premier single, le visuel représentait un œil et on a voulu garder ça.
* Tom : Le Little Devil, c'est un personnage qu'on a créé avec notre musique. C'est un peu l'âme de notre groupe. Il gravite autour de tous les morceaux.
L'artwork de cet album a été fait par Pulp Syndrome. Comment ont-ils travaillé pour réaliser la pochette de Evil Eyes ? Vous avez donné des lignes directrices pour la création ou ils ont tout créé ?
* Tom : On a pris les décisions à quatre. Ils avaient des idées de leur côté et nous aussi. À nos yeux, on a fait la meilleure chose qu'il fallait faire. C'est-à-dire se voir et parler de ce qu'on voulait exprimer à travers le visuel de Evil Eyes. Je pourrais pas te dire qui a eu le plus d'idées mais en tout cas, The Bruise Market c'est plus qu'Eve-Lise et moi. C'est nous quatre avec Aurélia et Gabriel de Pulp Syndrome. On se connaît tous bien donc ils comprennent rapidement ce que l'on veut exprimer. Et ça nous convient tout le temps ce qu'ils nous proposent.
* Eve-Lise : Ils sont souvent là en concert et on leur donne carte blanche. Ils prennent des photos, créent des illustrations qui leur passent par la tête en concert. On est une vraie famille. Et c'est tout ce travail en amont qui nous a permis de travailler sur la pochette de Evil Eyes.
J'ai été surpris au début de votre album, on y retrouve une introduction musicale. C'est pour mettre les gens dans le bain de cet Evil Eyes ?
* Tom : En effet. D'ailleurs il y a une introduction et deux interludes dans cet album. C'est pour donner une ambiance qui fait que si tu écoutes l'album de A à Z, il y a une histoire en plus de chaque chanson. Notre Little Devil dit des fragments de chansons qui se suivent dans chaque interlude.
On peut dire que l'album est divisé en chapitres ?
* Eve-Lise : On peut oui ! Au début, il y a un gros bloc de chansons assez énergiques, dansantes et joyeuses.
* Tom : Ensuite, on montre qu'on ne fait pas que du rentre dedans. On montre qu'on fait des titres qui ne sont pas que du stoner bourrin mais qui sont aussi plus planants et atmosphériques. Petit à petit, Evil Eyes fait une vraie vague entre violent et moins violent.
* Eve-Lise : Ça reste aussi dans l'image du bleu, du coup de poing. T'as mal sur le coup mais après ça se tasse et ça devient mélancolique.
* Tom : Chaque chanson a été préparée pour cet album et fait partie de l'histoire de cet album. Chaque titre est la clé d'une histoire qui se termine par Runaway et qui vient amener une autre facette de ce que l'on sait faire. On voulait montrer qu'on pouvait être vénère, calme et qu'on pouvait faire un stade entre les deux. Toujours avec notre nature de son.
De base, il y a une histoire puisqu'il y a un dialogue entre vous dans le chant…
* Eve-Lise : On a équilibré le temps de parole entre nous par rapport à notre EP.
* Tom : On s'est réparti le temps de chant en fait. Quand je chante Eve-Lise fait les chœurs et vice versa, mais on a aussi des titres en duo. Eve-Lise avait envie de chanter plus, tandis que moi c'est pas vraiment une nécessité de chanter plus. Cependant, j'ai toujours envie de crier à un moment pour dire que j'existe.
Vos influences sont très états-uniennes, stoner bien entendu comme vous l'avez dit précédemment. Mais aussi grunge.
* Tom : C'est ce qu'il en ressort. On ne se catégorise pas vraiment. On s'était mis cette étiquette stoner, post grunge parce ce sont des sons qui nous plaisent. C'est une production que l'on a voulu stylisée états-unienne. La guitare est forte, la batterie est punchy et est bien marquée. Sans oublier les voix qui peuvent être douces et atmosphériques.
* Eve-Lise : Le son ressemble à ce que l'on aime écouter nous. On l'a pensé comme ça même si au niveau de la composition, on ne sait pas trop se catégoriser.
* Tom : Aussi, on n’a pas voulu se limiter au son "USA". Sur But Them, on a rajouté un côté hispanique à la fin du titre. C'était un choix artistique qui colle à mes racines. De plus en plus, on se rend compte avec Eve-Lise qu'on se détache de ce côté états-unien très surproduit pour aller à l'essentiel. L'album a déjà un an même s'il est sorti fin novembre. Alors durant l'année écoulée, et aussi avec le confinement, on a beaucoup été tous les deux avec nos guitares. Tu ne fais pas que jouer ce que tu sais faire, tu composes aussi. J'ai bossé beaucoup et ça m'a permis d'extérioser de pouvoir composer. Pas mal de chansons ont été écrites, et au fil du temps, on les prend petit à petit pour les adapter dans nos nouvelles compositions. On se rend compte qu'on a l'identité de son stoner mais qu'on a des sons improbables parfois pop qui arrivent.
* Eve-Lise : On développe nos influences et on se découvre aussi à travers The Bruise Market. On écoute beaucoup de musique et on découvre des artistes. On se nourrit de tout pour se créer une identité.
Pourquoi avoir opté pour Amnesia pour sortir votre clip ?
* Eve-Lise : Pour nous c'est un titre dansant et accessible. On voulait aussi montrer que The Bruise Market ce n'était pas que Tom au chant - guitare et moi à la batterie qui essaie de suivre le rythme ! On se partage vraiment les rôles. Sur l'EP, c'est Tom qui chantait en voix principale et on voulait profiter d'avoir un plus long format sur l'album pour montrer qu'on se répartissait les rôles. On avait une idée de clip sur Runaway, mais ce sera pour plus tard…
* Tom : Plus typé court-métrage. On a besoin de scénariser notre musique, pouvoir prendre autant de plaisir à faire de la musique qu'un clip. Pour nous c'est un tout, on ne rechigne pas à devoir faire un clip "pour la com’" derrière la composition musicale.
* Eve-Lise : Quand on compose une musique, on a déjà des images qui nous viennent en tête. Pour Amnesia on voyait comment imager directement le clip avec nos moyens et de façon cohérente par rapport à la chanson.
* Tom : Pour le clip d'Amnesia, on a refait appel à Jérémy Jagu qui nous avait filmés pour Let You Down. Il y avait aussi Aurélia et Gabriel de Pulp Syndrome qui étaient présents. Au final, chacun a proposé ses idées pour l'écriture du clip. Ce côté familial, dont on a parlé tout à l'heure était encore présent. On aime partager notre musique, qu'il y ait un mix d'idées. Une sorte de Desert Sessions bretonne.
Auriez-vous une découverte musicale à nous partager ?
* Eve-Lise : Une découverte que l'on partage tous les deux, c'est SUN. C'est une franco-allemande qui fait de la guitare et qui chante. Elle se définit comme faisant de la brutal pop. Ça va à l'essentiel et elle a différentes textures de voix qui rend ce qu'elle fait assez dingue. C'est atypique.
* Tom : Elle répond à nos messages, elle est accessible. C'est quelque chose qui nous plaît beaucoup parce que c'est l'idée qu'on se fait de la musique.
* Eve-Lise : Une autre découverte plus récente aussi, c'est Junkyard Storytellaz. Un groupe russe. C'est un jazzband mené par un hybride d'Iggy Pop et de Kurt Cobain. C'est un bon mélange jazz rock que je conseille pour ceux qui aiment le rock et les cuivres.
Vous avez un scoop pour moi ?
* Tom : Si on te le dit, on va devoir te tuer après. On réfléchit pour retourner enregistrer un EP début 2021... Qui serait plus proche de ce qu'on l'on voudrait faire maintenant dans The Bruise Market.
* Eve-Lise : Ce serait intéressant de montrer ce que l'on fait maintenant oui car on a évolué depuis la sortie de l’album. On a déjà quatre titres de prêts.