Woodstock. Ce lieu est devenu une légende. LA référence des festivals mondiaux. Petit résumé du festival en quelques mots...
Un festival en hommage à Bob Dylan
Le festival de Woodstock est impulsé par un homme : Michael Lang. Jeune fan de musique possédant un studio d'enregistrement sur la ville de Woodstock. Il fonde, avec son voisin Artie Kornfeld (patron du label Capitol), Woodstock Ventures pour « les mouvements sociaux des 60's. » Pour l'occasion, il souhaite organiser un grand festival dans la ville de Woodstock où il veut rendre hommage à Bob Dylan (qui possède un ranch dans la campagne attenante à Woodstock). L'idée fait son chemin et le duo Lang Kornfeld se retrouve soutenu par deux financiers : John Roberts et Joel Rosenman qui vont investir dans le festival. Un événement qui prend comme modèle le festival californien de Monterey, organisé en 1967 et qui a rassemblé près de 50 000 spectateurs. Ce sera d'ailleurs l'objectif de jauge pour la Woodstock Ventures pour lancer son « Woodstock Music & Art Fair », festival pluridisciplinaire où art et musique feront ménage commun sur l'affiche.
Le projet est vendu ainsi dans la presse : « Trois jours de paix et de musique. Des centaines d'hectares à parcourir. Promène-toi pendant trois jours sans voir un gratte-ciel ou un feu rouge. Fais voler un cerf-volant. Fais-toi bronzer. Cuisine toi-même tes repas et respire de l'air pur. » Bref, un article sacrément vendeur pour des jeunes étatsuniens qui sont tiraillés entre la guerre du Vietnam et le mouvement Peace & Love des hippies.
Tête d'affiche logique du festival, Bob Dylan refuse de venir malgré plusieurs discussions avec Michael Lang. L'auteur folk refuse de se produire arguant que son fils était malade. Il fait néanmoins planer le doute d'une apparition surprise sur scène. Suspense qui sera bien vite enterré puisque Dylan a prendre un paquebot direction l'Angleterre et le festival de l'Ile de Wight peu après le début du festival.
Le sauveur Max Yasgur
Second soucis, le lieu. Si Michael Lang voulait à tout prix que son festival prenne place à Woodstock, la mairie ne l'entend pas cette oreille et le festival prendra finalement place à Bethel à quelques 100 kilomètres du lieu initial. C'est un fermier local, Max Yasgur, qui deviendra le sauveur du rendez-vous organisé par Michael Lang. Il loue son pré de 240 hectares - à hauteur de 50 000 dollars - pour accueillir 50 000 personnes. Les réactions des locaux, agriculteurs pour la plupart sont vindicatives contre la tenue du festival. Le conflit de générations est à l'époque immense. Entre une jeunesse qui veut s'amuser et des anciens qui ne le comprennent pas. Max Yasgur, se voit même intenter un procès par ses voisins le 7 janvier 1970 pour qu'il paie les dégâts causés par les festivaliers sur son champ qui n'ont pas respectés les cultures des voisins. Yasgur gagne le procès mais refuse un retour du festival sur son champ en 1970.
Artistes, de refus en refus
Forcément, les festivals à l'époque, ce ne sont pas ceux que l'on connait aujourd'hui. Les organisations sont bordéliques, des fois les festivals n'ont même pas lieu puisqu'au dernier moment les autorisations ne sont pas données. Ou alors des promoteurs promettent sur l'affiche des artistes qui ... N'ont même pas été approchés.
Nous avons parlé du refus du Bob Dylan de venir mais il n'est pas le seul, loin de là. Pour des raisons diverses, plusieurs groupes refusent de venir. Les Rolling Stones, jugés comme trop violent et pas assez hippie compatible, n'ont pas été invités. The Beatles, retiré du circuit des concerts depuis le début de l'année 1969 et minés par les conflits internes, refusent aussi de participer à l'événement arguant un soucis de planning des quatre garçons dans le vent. Autre groupe britannique approché, Led Zeppelin, le quatuor mené par Robert Plant refuse tout simplement de venir car il ... Refuse de partager l'affiche avec d'autres groupes. The Doors ne sera pas non plus de la partie, Jim Morrison refusant de jouer à l'extérieur. Mais il y aura tout de même une petite partie des Doors à Woodstock, le batteur John Densmore se produisant aux côtés de Joe Cocker. Et vu qu'on ne peut pas citer tous les motifs de refus, on peut rajouter que Frank Zappa, Procol Harum, Simon & Garfunkel, The Byrds, Free... qui ont tous décliné l'invitation.
Quoiqu'il en soit, ça y est le festival peut débuter. Un afflux de festivaliers est à signaler. Il n'y aura pas 50 000 personnes, mais beaucoup beaucoup plus. Il y a tellement de monde que les hélicoptères de l'US Army sont réquisitionnés pour satisfaire les besoins des festivaliers en eau, nourriture et médicaments. Sans oublier que les militaires doivent aussi transporter les artistes coincés dans les bouchons. Certains festivaliers, pour ne rien manquer de la fête, ont même du abandonner leur voiture à trente kilomètres du site pour ce qui restera pendant près de 40 ans le plus grand embouteillage de tous les temps.
Creedence Clearwater Revival est, pour l'anecdote, le premier groupe à avoir donné son accord à Woodstock Ventures pour participer au festival. L'affiche est composée de 32 groupes venant des horizons pop, rock et folk. Et bien sûr le joueur de sitar Ravi Shankar, qui a cartonné à Monterey, est de la partie.
C'est à 17h pile le 15 août 1969 que Richie Havens est poussé sur scène par Michael Lang qui craignait déjà des retards monstres sur le planning. Le chanteur doit remplacer au pied levé Sweetheart, bloqué dans la circulation. Un set de dix titres (et deux heures !) durant lequel il reprendra trois titres de Beatles : With a Little Help from my Friends, Strawberry Fields Forever et Hey Jude. Des reprises dans une version très allongée afin de permettre aux autres artistes d'arriver sur le site. Il terminera son set par une improvisation, celle de Freedom, qui deviendra l'un des hymnes du festival. Sur les coups de 19h, c'est le gourou Satchidananda qui fera le discours d'ouverture du festival en demandant au public d'invoquer le "A.U.M" cette figure de la religion hindou qui rassemble par la religion la naissance, la vie et la mort. Cette syllabe est aussi considéré comme la vibration primitive de l'univers.
Puis l'ennemi du festivalier arrive : la pluie. Les concerts du soir s'en retrouvent perturbés puisque les formations électriques ne peuvent monter sur scène risquant l'électrocution. A l'instar de The Incredible String Band qui refuse de monter sur scène. Alors ce ne sont que les guitares sèches qui prennent le relais. Avec la jeune Melanie qui livre un véritable moment de grâce à la nuit tombée dans un calme absolu. Plus tôt, Ravi Shankar vit un véritable calvaire sur scène avec une sitar qui ne résiste par aux caprices de la météo. il doit abandonner le festival après trois titres. La fin de la soirée verra deux stars de la folk de l'époque se succéder : Arto Guthrie et surtout Joan Baez. Cette dernière est l'icône absolue. De tous les combats, elle monte sur scène et subjugue un public trempé mais heureux. Le festival peut enfin démarrer et est désormais gratuit. Devant l'afflux de spectateurs (50 000 attendues, 500 000 sur place), les organisateurs ont décidés, par mesure de sécurité de rendre l'accès au site gratuit.
Country Joe McDonald ouvre seul à la guitare cette seconde journée, en attendant le groupe Santana coincé dans les bouchons. Les protest-songs sont au programme du répertoire de cet artiste folk avec en point d'orgue I Feel Like I'm Fixin' to Die, titre anti Guerre du Vietnam. La pluie recommence à tomber, et les groupes électriques ne peuvent se produire. Comme la veille, ce sont les guitares acoustiques qui vont sauver la journée. John B Sebastian, même pas prévu au programme va monter sur scène. Prestation mythique ensuite au programme, celle de Santana. Groupe rock aux accents latino mené par le prodige mexicain Carlos Santana et qui va bousculer tout le monde avec un Soul Sacrifice ainsi qu'un solo de batterie de Michael Shrieve entrés dans la légende. Le public, lui, est heureux. Des bénévoles parcourent le festival pour venir aux spectateurs trop défoncés. Il pleut, la sono est sans doute pas super puissante, mais ils sont là. Insouciant, ils font l'Histoire en protestant pacifiquement. Avec de telles conditions, Woodstock aurait clairement pu devenir une catastrophe humanitaire sans précédent mais non. La musique est plus forte que tou. Passent après Santana, The Incredible String Band, annulé la veille et qui a toutes les peines du monde à exister après une telle prestation. Peut-être auraient-ils dû se forcer à monter sur scène la veille !
The Grateful Dead, une des têtes d'affiches, prend ensuite d'assaut la scène à la nuit tombée. Une performance durant laquelle la pluie va s'abattre sur la scène obligeant les musiciens, victimes d'électrocution, à stopper net le set au bout d'1h35. Le groupe déclare ensuite que c'était le pire concert de leur vie. Creedence Clearwater Revival prend la suite avec une météo plus heureuse. Il est plus de minuit et leur folk-rock aux accents de la Louisiane électrise la scène - unique - de Woodstock. Une des étoiles révélées à Monterey, Janis Joplin, qui a bien profité des loges, donne un concert tellement flingué que son manager refuse que sa performance figure sur le documentaire tournée par Michael Wadleigh. Le public se remue de nouveau devant le funk abrasif de Sly & the Family Stone... Un public chauffé à blanc avant la venue des Who. Hésitant sur le maintien du concert jusqu'à la dernière minute vu le bazar ambient, les Britanniques obtiennent une rallonge d'argent de dernière minute concédée par les organisateurs. Nerveux une fois monté sur scène, le guitariste Pete Townshend enchaîne les moulinets à la guitare et menace de frapper le prochain festivalier qui osera, à l'instar de l'activiste Abbie Hoffman (durant le titre Pinball Wizard), monter sur scène. A part ça, le groupe signe une interprétation monumentale de leur opéra-rock Tommy avant de céder la place au Jefferson Airplane. Ces derniers débutent leur set une fois le jour levé. Les New Yorkais sont un des symboles du mouvement Flower Power. Fatigués, le groupe ne livre pas une grande performance à Woodstock. Comme beaucoup d'autres artistes... Enfin quand on joue avec plusieurs heures de retard à six heures du matin, est-ce étonnant ?
C'est Joe Cocker qui ouvre cette dernière journée. Le Gallois, très en forme, livre une des performances mythiques du festival avec notamment la reprise de With a Little Help from my Friends des Beatles. Avec encore une tempête au programme, le festival doit s'arrêter pendant trois heures. C'est à 18h30 que Country Joe McDonald refoule la scène, mais avec son groupe ce coup-ci. Place ensuite au blues-rock de Ten Years After avant la performance de The Band, groupe canadien qui accompagne Bob Dylan sur scène. L'ombre du Zimm' est omniprésente à Woodstock puis régulièrement des groupes reprennent ses chansons. Ce sera encore le cas avec The Band qui reprendra This Whell's on Fire et I Shall be Released (ce dernier étant déjà repris quelques heures plus tôt par Joe Cocker). Les performances se succèdent ensuite entre blues (Johnny Winter, Paul Butterfield Blues Band), rock'n'roll revival (Sha Na Na) jazz-rock (Blood, Sweat & Tears) et folk-rock (Crosby, Stills, Nash & Young). Ces derniers joueront une bonne heure avec un set moitié acoustique et moitié électrique.
Et enfin, le moment mythique de Woodstock : Jimi Hendrix. L'artiste britannique va jouer plus de deux heures avec plusieurs moments forts dont une improvisation et la reprise à la guitare de l'hymne américain en imitant, à la guitare, le bruit des B 52's, avions étatsuniens qui lâchaient des bombes au Vietnam. Il termine son set sur Hey Joe. Le dernier joué à Woodstock devant 30 000 derniers courageux sans doute exténués par les quatre jours de folie qu'ils ont vécus.
Michael Lang avait déboulé dans les locaux d'Alan Douglas en disant qu'il allait organiser le plus grand festival de l'Histoire du rock à Woodstock. Cinquante ans plus tard, force est de constaté qu'il avait raison. Même si peu d'artistes de renom ont finalement pris part au festival, que la pluie a littéralement ravagé le festival ou encore que les galères se sont accumulées pour les artistes présents. Au final, Woodstock reste un moment mythique dans l'Histoire de la musique. Un moment qui a fait qu'il a existé un avant et un après Woodstock. Ce festival qui marqua l'apogée du mouvement hippie et qui résonne encore comme un mot doux à tout fan de musique, peu importe son âge.
Woodstock fera l'objet d'un documentaire réalisé par Michael Wadleigh et qui fait débuter la carrière du jeune Martin Scorcese comme assistant réalisateur. Avec plus de 120 heures de rush, réduit à quelques heures alterne entre concerts, coulisses et plans sur les festivaliers. Il obtient l'Oscar du Meilleur Documentaire en 1970. Le documentaire marche tellement bien que les droits vont permettre aux organisateurs du festival de compenser les pertes subies et vont permettre aux quatre organisateurs principaux d'en tirer un bénéfice.
Laissons la parole à Max Yasgur, le propriétaire des terres de Woodstock, pour terminer cet article, lui qui a pris la parole le troisième jour du festival devant les festivaliers et qui résume parfaitement ce qu'il s'est passé durant le festival : « ce qui est important, c'est que vous avez prouvé au monde entier qu'un demi-million de gosses peut se rassembler et avoir trois jours de fête et de musique, et n'avoir rien d'autre que de la fête et de la musique, et que Dieu vous bénisse pour cela. »