Comment est né le festival Baignade Interdite ?
Déjà, un groupe de copains désireux de bâtir quelque chose ensemble, ça a été le premier élan, et c'est toujours ce qui nous permet d'avancer. Ensuite, disons que le projet est né d'une envie de proposer autre chose, autrement. Bouleverser les codes habituels du festival de musique, et réunir des esthétiques à priori lointaines. Il y a toujours eu un gouffre entre musiques dites sérieuses ou pointues et musiques à bouger, jusqu'à figer la démarche même des festivals. Ici, il y a une grande liberté sur le fond et sur la forme, ça libère de la fraîcheur et de la spontanéité.
Pourquoi une piscine pour organiser un festival ?
Parce qu'elle était vide et à l'abandon ! Le site des bassins se situe en face de la Javanaise, une guinguette bien connue des tarnais. Ça a toujours été notre QG, en quelque sorte. Et donc, nous avons tourné autour de ces bassins en rêvant y faire quelque chose un jour. La mairie de Rivières nous a accordé sa confiance dès les premiers échanges. Des années plus tard, on en est là. Et finalement, ces bassins, c'est plutôt une belle situation d'écoute pour le public : on y descend comme on pénètre à l'intérieur de la musique.
Peux-tu nous présenter la programmation de cette édition 2019 ?
Beaucoup de projets très attendus, réputés, ambitieux (même si on a toujours refusé de parler de tête d'affiche) : Širom (Slovénie), Joshua Abrams Natural Information Society, Marisa Anderson (Etats-Unis), Snapped Ankles (Royaume-Uni), Zu (Italie) pour ne citer que quelques-uns des groupes qui viennent de l'étranger.
Aussi, il était jusque-là assez rare que des musiciens ayant déjà joué au festival reviennent d'une année sur l'autre, dans l'idée de renouveler au maximum la programmation. Et cette année, justement, nous avons pris à revers ce principe, plusieurs clins d’œils aux éditions précédentes, à l'image du trio White Sands, composé de Julien Desprez, Will Guthrie et Erwan Keravec : tous les trois ont déjà joué ici en solo, séparément, donc. Ou les Norvégiens de Kim Myhr qui avait joué dans une chapelle pleine à craquer, nous avions dû refuser un paquet de monde à l'entrée, et qui revient avec un grand ensemble cette fois-ci.
Comment se monte une telle programmation, il y a un fil conducteur ?
Difficile de parler de fil conducteur, tant les propositions sont variées. Il y a des points communs, certes, quelle que soit l'esthétique : la prise de risque, l'inventivité, l'énergie. On peut parler de trajectoire, plutôt que de fil conducteur. Chaque journée et soirée est un parcours, qui étonne ou interpelle souvent.
Comment se bâtit une telle programmation ? Les sollicitations sont nombreuses, mais surtout elles viennent d'horizons, de familles, de réseaux multiples. Même si les choix restent très subjectifs, instinctifs, chaque sélection est mûrement réfléchie, aussi en lien avec le lieu et le moment auquel le concert pourrait être présenté.
Aussi, et même si j'endosse ce statut de programmateur, il me semble que l'affiche est représentative des gens qui bossent sur ce projet à l'année, des gens très différents, pour que finalement tout le monde puisse s'y retrouver d'un manière ou d'une autre.
D’après ce que j’ai pu lire, l’idée du festival c’est de proposer une expérience différente aux festivaliers, mais quelle est cette expérience ?
Oui, ce festival est unique et spécial à tout point de vue. Mais je ne suis pas très à l'aise avec ce mot "expérience". Peut-être un côté mystico-ésotérique que j'ai du mal à cerner. En fait chacun trouve là-dedans des choses assez personnelles, difficilement identifiables, donc il me semble que les expériences sont propres à chacun, et chaque expérience diffère de celle du voisin.
Il y a beaucoup de groupes internationaux dans la programmation, c’est important pour toi d’amener des artistes découvertes du monde entier ?
En effet, il y a cette volonté de proposer des ensembles qui n'ont pas ou peu joué dans le secteur, même s'il serait stupide et restrictif que cela devienne un critère d'exclusion, ou de tomber dans le piège de l'inédit à tout prix. Et surtout ce n'est pas pour autant un critère de valeur ou une manière de hiérarchiser. Un groupe du village d'en face peut se révéler aussi passionnant qu'un autre de Londres ou Berlin. Si la musique plaît et a sa place ici, l'adresse a assez peu d'importance.
Trois arguments pour convaincre les spectateurs de se déplacer à ton festival ?
1- La musique.
https://soundcloud.com/asso-triple-a/festival-baignade-interdite-8
2- L'esprit et le lieu (ou ça fait deux mais ils sont imbriqués...).
3- En toute humilité, on reçoit beaucoup d'éloges et d'encouragements pour cet événement, d'ici et d'ailleurs, mais il faut savoir que la survie de cet événement est intimement liée à sa fréquentation. Donc le meilleur moyen de soutenir ce festival (et de soutenir les musiques aventureuses de manière générale), c'est d'y venir.
Ton coup de cœur de la programmation ?
Julian Sartorius. Ah non m... c'était l'an dernier.
Ton meilleur souvenir sur Baignade Interdite ? Le pire ?
Beaucoup trop de bons souvenirs pour n'en citer qu'un.
Le pire : avoir loupé le créneau huîtres-vin blanc du dimanche matin, ça m'a pourri la journée.
Un artiste que tu rêverais de booker ?
Frank Zappa qui joue Moondog. (c'est doublement impossible - désolé je ne pouvais pas répondre sérieusement à cette question).
C’est la huitième édition de Baignade Interdite, la neuvième doit déjà être dans les têtes un peu, non ?
Pas vraiment. On avance à vue, en faisant les choses dans l'ordre, sans se projeter. Aussi, la réalisation de cet événement, c'est à la fois très pro et franchement DIY, donc ça reste fragile. Je dirais même que chaque année ça tient du miracle. Notre modèle économique, même si on a gagné en confort depuis nos débuts, ne permet pas une totale professionnalisation de l'évènement, et d'ailleurs, je ne pense pas que ce soit tout à fait souhaitable. Donc, si on continue au delà de la prochaine, c'est qu'il y aura encore une équipe prête à y consacrer, bénévolement, du temps et de l'énergie.
Un scoop pour Rockfanch ?
Au menu samedi soir : brochettes de silures et frites de respounchou.