Après plusieurs rendez-vous manqués avec le Festival Mythos, voici enfin venu le moment de découvrir l’intriguant « Cabaret botanique » qui le caractérise. Sur la forme, tout est presque parfait. Le décor est féérique. Un chapiteau empli de glaces et parsemé d’alcôves accueille une partie du public. Dans l’assistance, en attendant le début du concert, chacun s’attarde sur les ornements, transporté dans un univers parallèle où la poésie emplit l’atmosphère. Dans ces conditions, nul doute, pour qui a déjà eu la chance d’assister à l’une de ses prestations, que le concert du groupe Feu ! Chatterton sera très à propos.
Et le charme opère, évidemment. Comme à l’accoutumée, le set commence par Ophélie, la chanson d’ouverture de Ici, je jour à tout enseveli, premier album du groupe. Que l’on prenne ou reprenne la route avec les cinq Parisiens, « au matin » ou à la nuit tombée, personne ne se fait prier et chacun suit le fil d’un concert qui sera bien trop court, gage d’une qualité certaine. Arthur Teboul, le chanteur, initie les néophytes aux richesses de sa langue en présentant sa bande de copains comme des « cadavres exquis ». Après avoir d’emblée averti l’auditoire que nous étions tous partis sur un îlot, il se pose cette question qui sera sur toutes les lèvres une fois les lumières rallumées « Mais où suis-je donc vraiment... ? » À doses heureusement non homéopathiques de riffs de guitare efficaces et envoûtants, le public s’automédique avec Fou à lier. Arthur nous livre alors, « sans démagogie aucune », une anecdote qui charme un peu plus l’assistance. Deux ans auparavant, le groupe était visiblement venu jouer pour une petite demi-heure dans un bar rennais, avec un énorme trac. Le constat tout en modestie du chanteur, pour qui il est « très pur » de jouer dans ces conditions, est simple et criant de vérité : « Vous êtes plus nombreux aujourd’hui...nous sommes heureux ». Nous aussi.
Le concert se déroule, sans accroc ni MAO, preuve que le rôle d’orfèvres d’une pop française retrouvée dont le groupe se voit affublé n’est pas galvaudé. Alors quand Arthur Teboul propose, comme à l’accoutumée, de faire l’amour avec eux, tandis qu’une communion platonique s’était tranquillement installée dans la salle, on ne trouve personne pour décliner l’invitation. Le Bic médium, Le jour a tout enseveli, La mort dans la Pinède, Boeing, Le Pont Marie et La Malinche sont peints, tour à tour, sur la toile d’un chapiteau de connaisseurs. Ici, point de bousculade, le Rennais apprécie en mélomane averti, sans trop bouger. On pourra le regretter, tout comme quelques carences de son ou cette obsession du kidnapping de la reverb dans la voix du chanteur, qui n’est pas toujours justifiée. Le plus important est ailleurs. La poésie de Feu ! Chatterton a une nouvelle fois eu raison des petits tracas du quotidien et l’emporte haut la main. Parenthèse musicale, bucolique, ténébreuse et intelligente, ce spectacle est à recommander, sans aucun doute.